Dans la vie, il y a des moments qu’on n’oublie pas. Jamais
je n’oublierai ton regard apeuré et fuyant dans cette petite pièce du Toukoul
où nous nous sommes rencontrés. Apprivoisés. Avec toi, c’est vraiment ce qui
définit le mieux notre relation, même aujourd’hui, nous continuons de nous
apprivoiser mutuellement.
Tu as donné le ton tout de suite… en nous ignorant
magistralement pendant une demi-heure. Et c’est long une demi-heure ! Et
puis enfin, il y a eu échange, curiosité, évaluation… Tu as compris que
j’allais prendre soin de toi : on a commencé par un verre d’eau, puis un
aller-retour aux toilettes au fond de la cour. Au retour tu m’as fait
comprendre que tu voulais être porté : j’ai fondue en te soulevant, si
léger, dans mes bras si blancs. Nos peaux côtes à côtes, un premier baiser. Tu
n’osais pas te laisser aller, je n’osais pas te serrer trop fort.
On s’est retrouvés le lendemain, tu as pris un peu tes
marques : papa c’est pour jouer, maman pour avoir à boire… On a parcouru
des photos : la maison, ton grand frère, le chat, ta chambre … Que
comprenais-tu de tout cela ? Franchement à ce moment précis j’ai cru que
tu ne te doutais pas que ta vie basculait.
Et enfin, on est venu te chercher pour partir, pour
t’emmener vers ta nouvelle vie. Et tu nous attendais, fier avec ton pull à
capuche et ton petit sac à dos. Si fier, si solide finalement. Prêt au départ.
Tu as supporté ce long voyage sans broncher, sans faire entendre le son de ta
voix. D’ailleurs depuis le premier jour, tu étais silencieux, trop silencieux …
Débarquement, douane, papiers temporaires … Enfin, nous
partons, dans la ‘Machina’ de papa. Et là, tu sembles reprendre tes
esprits : est-ce l’incroyable voiture de ton père qui te met en
joie ? Je monte à l’arrière à tes côtés, nous sortons de Paris et … tu
chantes !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire